Visite amicale

Un après-midi calme, ensoleillé, chose rare en cette saison. Le soleil semblait avoir décidé d’offrir un peu de calme à ce monde nouveau. Tout était fini, et un nouvel ordre commençait ? Etrange, que pour que le changement advienne, il faille que ce qui stagne soit détruit, terminé, envoyé aux oubliettes. Regrettable ? Pas vraiment. A partir du moment où cette évolution est souhaitable, n’est-ce pas que l’ancien régime est mauvais pour tous, pour l’humanité, le monde. Ou du moins c’était l’avis de beaucoup.

Mais le monde n’a de cesse de se relever, de voir au-delà. Les rues sont reconstruites, les habitations remplacées. Ce manoir-là, qui se dressait, fier et sombre à l’horizon, semblait ancien, vénérable. Avait-il appartenu à d’autres générations avant aujourd’hui ? Comment le savoir ? Mais celle qui y habitait aujourd’hui possédait cette même fierté, cette même puissance qui se dégageait de sa demeure. Nul n’aurait osé mettre en doute sa suprématie, pas après sa prise de pouvoir aux côtés du mage noir. Car celle qui vivait là, dominant la rue, était Europe O’Brien.

Aux alentours régnait un calme souverain. Pas une âme qui vive. Enfin, jusqu’à maintenant. Un homme sort de l’ombre. Il est apparu là, serein, sans difficulté. Comment ? Mais par transplanage, évidemment. Cela relève d’une facilité enfantine pour celui dont les connaissances ne semblent pas avoir de limites, pour celui dont la fidélité aux ténèbres fut récompensée par cette promotion au rang de ministre de la Justice. Un rang dont il est fier, car il sait qu’il l’a mérité, pour toutes ces années d’infiltration, d’espionnage à haut risque, et parfois d’assassinats. Oh, personne ne se doutait de cette double identité. Et même aujourd’hui, si son charisme et son assurance laissaient deviner une personne importante, qui devinerait que derrière ces yeux violets, ces cheveux châtains clairs, ce léger sourire à tendance ironique, se cachait un puissant mangemort ? Personne, et c’était bien là le but. Au temps où tout devait rester secret, il était zen, gentil, serviable, n’hésitait pas à faire des heures supplémentaires, respecter les ordres des supérieurs… bref, était l’employé idéale. Mais il avait toujours eu ce don pour la comédie. Déjà enfant, il pouvait croire qu’il se cassait une jambe, qu’il vomissait, grâce à divers artifices accessibles à un enfant d’orphelinat. Mais comme toujours, les apparences sont trompeuses.

Aujourd’hui, Erwan était vêtu d’une chemise mauve très sombre, rappelant ses yeux, et d’un jean noir. Par-dessus le tout était jeté une cape noire. Il avait toujours eu cette préférence pour les styles simples, sans bijoux ni autres. Etrange pour un homme à la double identité. Enfin, aujourd’hui, son camp était révélé au monde entier. Mais il passait malgré tout inaperçu, les premiers rôles revenant à Europe et au Seigneur des Ténèbres. Et il leur céder volontiers ! Le succès ne l’intéressait aucunement. Servir, apprendre, voilà deux de ses buts principaux. Ensuite, il s’intéressait aux rares qui pouvaient prétendre au statut d’ami. Et celle à qui il rendait cette visite prévue sur ce planning depuis quelques jours, en faisait partie.

Son nom ? Europe. Et oui, il avait entretenu un lien fort avec la Ministre de la Magie. Il la respectait, lui accordait son soutien dans sa cause. Ils se battaient pour les mêmes idéaux, le même maître. Il lui était inférieur en grade, et alors ? Il reconnaissait ses talents en sa fonction, en savait qu’il la servait bien mieux à cette place, suffisamment dans la lumière pour que ne le remette pas en doute, pour obtenir les appuis nécessaires à sa mission, suffisamment dans l’ombre pour qu’on ne soupçonne pas sa puissance, et ses connaissances. Lorsque la seule échappatoire à un monde trop cruel avait été l’apprentissage de différentes matières, il avait commencé à s’intéresser à tout. A Poudlard, ayant été réparti à Serpentard, il ne tarda pas à se renseigner sur la magie noire, sur le Seigneur des Ténèbres. Son voyage de 2, 3 ans à travers le monde lui permit de renforcer encore sa culture, ses connaissances, pour enfin avoir quelque chose à offrir au camp qu’il avait choisi. Et bien, ses talents naturels d’espions, ses dons en magie, sa puissance, furent accueillis à bras ouverts. Qui refuserait pareil appui ?

Bientôt, le jeune homme arriva devant le portail de la demeure. Il s’arrêta devant, ne doutant pas que la Ministre de la Magie, experte en Magie, si puissante, était déjà au courant de sa présence. De toute façon, ils avaient rendez-vous. Il fit apparaître un bouquet de lfleurs d'artichauts [-_-'] dans sa main, destiné à la jeune femme. Pourquoi ? Mais parce qu’ils étaient proches, pardi !

Cette journée avait merveilleusement bien commencée pour Europe. A peine son petit-déjeuner avalé, elle avait eu l'immense joie d'apprendre qu'un charmant jeune homme du nom d'Erwan McShamir devait lui rendre visite. Quoi de mieux pour commencer la journée qu'une bonne nouvelle? Il lui avait d'ailleurs bien fallu ça pour supporter le restant de la matinée. Premièrement, Bill son secrétaire avait mal fait chauffer son thé qui était atrocement amer, un sacrilège. Deuxièmement, elle avait appris le décès impromptu d'un sorcier qui disait avoir vu Dumbledore dans le Connemara, les gardiens avaient conclu à un arrêt cardiaque, en gros il s'était suicidé. Ces gardiens étaient des incapables, Europe s'était donc assurée qu'ils ne commettraient plus d'erreur. Bref, ils mangeaient les pissenlits par la racine. Et troisièmement, elle avait reçu un hibou de Brush&Coupe, son coiffeur lui annonçant qu'il ne pourrait pas la prendre aujourd'hui? Comment pouvait-elle travailler convenablement en étant mal coiffé? Même si ce fâcheux incidents avait été vite réglé, il l'avait grandement contrarié.

Et c'est avec le plus grand bonheur qu'elle franchit la porte de son manoir au environ de midi et demi, envoyant valser ses chaussures à talons hauts qui lui faisaient souffrir le martyr. Pour se remettre de ses émotions, elle fit honneur au repas préparé par les elfes de maison qui oeuvraient en permanence au manoir, un petit cadeau supplémentaire compris dans l'héritage de ses grands-parents. Au menu ce jour là, ils lui servirent un velouté d'asperges aux tomates cerises confites et un pavé de saumon à l'unilatérale servi avec un panaché de légumes du soleil, un vrai délice. Ils savaient décidément comment lui remonter le moral! Le summum fut atteint lorsqu'ils posèrent devant elle un fondant au chocolat, moelleux, et fondant à coeur. De petites étoiles s'allumèrent dans ses yeux, ils lui auraient offert les rênes du monde qu'elle n'en n'aurait pas été aussi heureuse. Décidément, elle les aimait ces petites bêtes, dommage qu'elles soient crasseuses.

Crasseuse...Cela rappela à Europe qu'elle n'avait pas encore pris sa douche et qu'elle n'était absolument pas prête à recevoir Erwan. Elle se rendit dans la salle de bain, ferma à clé et commença à se déshabiller, se doucher, se coiffer, se maquiller, se pedicurer...L'heure et demie qu'elle passa dans cette pièce ne fut pas de trop! Elle en sortit si éreintée qu'elle dut s'asseoir sur son lit quelques instants, avant de partir à la recherche de la tenue qu'elle allait partir. Certainement l'affaire la plus difficile qu'elle ait eu à s'occuper aujourd'hui :

*La jupe verte? Non, trop courte...Le pantalon blanc? trop salissant pour toi ma grande...Bon alors le jupon en taffeta? Au sale! Hey zut, le jean stone délavé? Parfait! Décontracté mais pas trop c'est ce qu'il fallait! Et le haut?*

Une lueur de désespoir se lut dans les yeux d'Europe quand elle ouvrit le dressing où elle rangeait ses hauts. Il y en avait des centaines, peut-être même des milliers...Mission Impossible! Seulement, elle avait des elfes de maison extraordinaires, qu'elle ne remercierait jamais assez, et un chemisier en soie rose pastel était pendu à une poignée parfaitement repassé. Malgré leurs tenues douteuses, les elfes de maison avaient un goût infaillible, ou peut-être était-ce Elisavetha, sa grand-mère qui le leur avait transmis, en tout cas, ce haut était parfait :

*Adjugé vendu...*

Europe était en train de l'enfiler quand le miroir qui reflétait le portail s'anima et d'une voix monocorde lui annonça que son visiteur était avancé. Et si il devait le laisser entrer. Europe enfila son chemisier à vitesse grand V, non, non et non, ce ne serait pas un portail ensorcelé qui accueillerait son invité. Un coup d'oeil dans la glace : elle était parfaite quoi que...Elle deboutonna un peu son chemisier, avec un beau décolleté c'était mieux! Et elle se précipita dans le jardin, pour aller en personne ouvrir à Erwan, essayant de cacher sa respiration haletante, elle tira les lourds battants de fer forgé :

"Bienvenue à Ambreville Erwan! Oh des fleurs d'artichauts..."

Des bruits de pas précipités annoncèrent au jeune homme la venue de son hôtesse. Il la vit ouvrir en grand le magnifique portail, pour lui adresser la parole, lui souhaiter la bienvenue… bref, choses banales. Il remarqua sa respiration haletante, mais ne le montra pas, gentleman parfait en apparence. Toujours préserver les apparences, on ne jure que par elles. Oh, il n’était pas homme à ne se préoccuper que de ça, bien sûr, mais il avait appris à rendre chacun de ses gestes homogènes à son attitude, jusqu’à ce que cela devienne une habitude. Sinon, il ne pourrait pas être aussi bon comédien, et cela rendrait considérablement compliqué son travail au sein des mangemorts.

Quoiqu’il en soit, l’attention de Europe se porta immédiatement sur le bouquet, avouons le, très peu seyant, qu’il tenait à la main. Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres fines du ministre. Bien sûr, ces fleurs étaient loin d’être banales, cela ne lui ressemblait pas ! Quoique… Faire une farce de ce genre pourrait convenir au reste d’esprit malicieux qu’il avait conservé de son enfance. Bien que Emilie, brisant son cœur d’enfant, ait fait taire cette tendance aux farces… Enfin, de toute façon, il ne voulait pas faire un coup pareil à la jeune femme. Il la considérait originale en tout point, belle, et imprévisible, et il lui avait prévu ce petit cadeau qui correspondait en tout point à cette description. Erwan avait passé un temps fou à mettre au point ce sortilège combinant lecture des émotions, métamorphose, sons agréables à l’oreille, bref, beaucoup de détails. Mais cela avait été un nouveau défi, qu’il avait relevé, en prévision d’une entrevue entre amis qui avaient choisi le bon maître, qui avaient gagné cette guerre. Un évènement à fêter ! Il avait ainsi profité de moments de libre après le travail pour se servir de ses connaissances et mettre au point cette… pochette surprise !

Ses fleurs n’étaient qu’une enveloppe cachant un sortilège bien plus complexe, se dévoilant à la demande de son propriétaire. Ainsi, lorsque ce dernier serrait les fleurs entre ses mains, préalablement mouillés légèrement, et soufflait sur les pétales, le bouquet disparaissait pour se transformer en… oiseaux ! Oiseaux qui revêtaient diverses formes selon l’humeur de la personne qui les avait invoqué, chantant ou gazouillant, tour à tour oisillons adorables ou superbes créatures enchanteresses tout droit sorties de contes de fées. Besoin de compagnie, de réconfort ? Un petit caneton pouvait tout droit vous tomber dans les mains, ou une autre race selon votre préférence, avec des yeux si doux qu’ils vous faisaient fondre en moins de deux. Bien sûr, leur créateur avait prévu une variante, au cas où sa chère amie préfèrerait un autre animal. Dans ce cas-là, en pensant très clairement à ce dernier, on pouvait le faire apparaître à la place des oiseaux. Peut-être était-ce là ce qui lui avait posé le plus de problèmes. Il y avait eu de nombreux ratés, des expérimentations, et beaucoup d’autres problèmes avant qu’il puisse en arriver là. Et bien sûr, le sort ne marchait que pour une personne. Erwan était un grand sorcier, mais il y avait tout de même des limites à ses dons. Aussi, il ne fallait pas rêver, les animaux remplaçant les fleurs finiraient par redevenir des fleurs lorsque la personne y ayant fait appel serait consolé, réconforté, ou même contente de les avoir vu, et leur taille ne dépasserait jamais celle d’un chien moyen. Et cela ne remplacerait pas leurs homologues réels. Mais bon, c’était original, charmant, et agréable.

Ainsi, Erwan hocha la tête sur le côté avec ce sourire en coin, ses yeux violets insondables pétillant, pour une fois.

« Bonjour à toi ! Pour ses fleurs, je suppose que tu te doutes que ce ne sont pas de simples fleurs ! Je te laisse découvrir leurs propriétés ! Lorsque tu voudras le découvrir, mouille simplement tes mains, serre les tiges et souffle sur les pétales. Nul autre que toi ne pourras déclencher le mécanisme. »

Il lui tendit le bouquet, passant sa main libre au-dessus des fleurs, concentrant toute son attention dessus pour que le sortilège considère comme son propriétaire Europe, bien qu’il n’ait pas de pensées, évidemment. Il ne pouvait faire ce dernier point qu’en la présence de celle-ci. Puis il releva la tête, la ride de concentration qui barrait son front disparut, et il souriait à nouveau. Il posa son regard sur le beau manoir où il allait passé sa fin d’après-midi, puis regarda à nouveau la jeune femme.

« Magnifique demeure! Enfin, tu vas bien ? »

Europe prit délicatement les jeunes pousses d'artichauts des bras d'Erwan. Elle esquissa un mouvement pour sentir leur parfum, mais se ravisa finalement, se rappelant qu'elles n'avaient que l'odeur des légumes qu'elles donnaient. Elle était ravie qu'Erwan ait pensée à elle et à ses élucubrations, il avait su taper juste. Son sourire s'élargit encore davantage lorsqu'il lui expliqua le sort qu'il avait mis en place. Elle fut séduite par ce dispositif, et de petites étoiles s'allumèrent dans ses yeux, comme à chaque fois que quelque chose lui plaisait. Elle avait gardé cette réaction de son enfance heureuse auprès de ses parents qui l'aimaient et la chérissaient plus que tout au monde. Elle n'aurait d'ailleurs pu leur faire plus de mal que le jour où elle avait quitté la maison pour rejoindre ses grands-parents, ce jour où le destin lui avait donné rendez-vous. Comment Europe O'Brien, fille unique gentille et attentionnée avait-elle pu devenir une tueuse compulsive assoiffée de pouvoir? La question était sur toutes les lèvres. Et aucune explications valables n'avait été donnée. Seule Europe elle-même le savait, et elle s'amusait de toutes les explications fantaisistes que les sorciers donnaient. Certains disaient qu'elle avait perdu la memoire, d'autres qu'elle n'avait jamais supporté la mort de son hamster nain angora... Le bouquet d'Erwan avait fait renaître la petite fille qui était morte en même temps que le bonheur familial. Mais il n'était pas rare que là petite Europe ressorte dans le comportement de la mangemorte. Europe avait gardé une âme d'enfant. Elle aimait toujours sauter dans les flaques ou manger du chocolat à la cuillère. Lire des livres imagés ou cueillir des fleurs sauvages. Faire des farces ou courir jusqu'à en avoir le souffle coupé. Elle trouvait dans ces enfantillages la force de devenir plus forte de jour en jour... Et si elle appréciait tant Erwan, c'est que lui aussi savait faire preuve de légèreté lorsque l'occasion lui en était donnée. Il l'avait une fois de plus montré aujourd'hui.

Europe lui fit signe de rentrer, et elle ferma le portail derrière eux. D'un bon pas, elle l'entraîna vers l'entrée principale. Là, un elfe de maison lui prit ses affaires, et les introduisit dans la salle à manger où une table avait été dressée. Dessus, il y avait évidemment du thé, Rooibos, un délice! Et des biscuits aux pépites de chocolat communément appelés cookies. Il y avait aussi des confiseries : des chocolats, des bonbons et...des sucettes, ces dernières dénotaient avec le service en porcelaine bleu pale, mais Europe était convaincue qu'une table correctement dressée ne pouvait l'être sans sucettes. Celles-ci étaient rouges et blanches, comme les sucettes à l'ancienne. Bien évidemment, Europe ne se tut pas tout le long du chemin, elle était un tantinet bavarde :

"Je sais que ma maison est magnifique, mais il est inutile de me faire le compliment chaque fois que tu viens me rendre visite! A ce propos tu as vu, j'ai planté des hortensias à l'entrée. Ils sont splendides! Mais la fierté en revient à mon jardinier, Billy, il est extraordinaire. Il ferait pousser une orchidée en plein désert saharien! Enfin je m'égare! Oui, je vais fort bien ma foi. Bon, la journée fut un peu rude, nous avons eu quelques problèmes au Ministère, mais ils sont réglés, alors n'en parlons plus! Quoi qu'ils m'aient permis de me défouler un peu. Je manquais d'entraînement...C'est que je n'ai plus vingt ans moi. Et toi, tu as l'air un peu pale tu es sur que ça va?"

Europe posa le bouquet sur la table, et n'y pouvant plus, elle humecta ses mains dans le rince-doigt, même si cela représentait un manquement aux règles élémentaires du savoir-vivre. D'un geste vif, elle serra le bouquet dans ses mains, et c'est délicatement qu'elle souffla sur les pétales. Elle fit un petit mouvement en arrière lorsque le bouquet disparut pour laisser place à un vol de papillon mauve. C'était divin. Europe était aux anges. Le spectacle calme et féerique qu'offrait ces papillons virevoltant autour d'elle lui donnait l'impression de vivre un conte de fée. Erwan n'était pas qu'un grand enfant, c'était aussi un incorrigible charmeur. En guise de remerciement, Europe lui sauta au cou en bafouillant quelque chose qui devait ressembler à un merci!

Erwan remarqua le pétillement des yeux de Europe lorsqu’il lui expliqua le sort qu’il avait eu tant de mal à faire. Imprévisible… Oui, le bouquet convenait merveilleusement bien à la ministre. Malgré leur grande amitié, il avait toujours eu du mal à cerner son caractère… lunatique ? Etait-ce vraiment le mot qui convenait ? Non, elle avait plutôt deux faces qu’au fur et à mesure du temps, il avait réussi à identifier. L’une charmante, ouverte, presque enfantine mais surtout surprenante. Peut-être était-ce cela que le jeune homme préférait chez son amie. Leurs rencontres n’avaient rien d’ennuyeux, de monotones. Chaque fois il se surprenaient mutuellement, pouvaient dévoiler n’importe laquelle de leurs facettes, ils trouvaient toujours ce qui leur correspondait chez l’autre. Bien sûr, il faisait toujours attention à ce qu’il disait, mais moins, beaucoup moins qu’avec les autres. Pour Europe il éprouvait ce respect qu’il était si dur d’obtenir de sa part, ainsi que la confiance. Ils partageaient les mêmes idéaux, les mêmes convictions ; Oh, bien sûr, ils avaient aussi de nombreux points sur lesquels ils étaient différents, sur lesquels leurs avis étaient opposés. Mais cela rajoutait encore au plaisir de la discussion. Voilà pourquoi ils étaient proches.

Elle le fit pénétrer chez lui, et il écouta attentivement ce qu’elle disait. Le fait qu’elle soit bavarde ne le dérangeait pas. Autant il pouvait supporter un silence de plusieurs minutes sans broncher, et en l’appréciant même, autant avoir de vrais discussions animées avec une personne qui l’appréciait le ravissait. Aussi suivait-il ce que disait Europe, attentivement. Si elle le réinterrogerait sur un sujet dont elle avait précédemment parlé, il s’en souviendrait sans problème. Le Choixpeau avait longuement hésité à l’envoyer à Serdaigle, avec son intelligence, sa soif d’apprendre, sa mémoire phénoménale. Mais il avait choisi Serpentard. Sûrement à cause de sa ruse, de ses blagues qui viraient à la cruauté, à sa lâcheté apparente pour mieux se venger. Oh oui, Erwan était loin d’être facile à comprendre. Chaque masque qu’il s’était crée, il avait fini par l’intégrer à sa personnalité comme une autre facette de lui-même, pour enfin obtenir celui qu’il était vraiment. Tour à tour souriant ou froid, il surprenait sans peine ceux avec qui ils parlaient. Voilà pourquoi il était l’espion parfait, la taupe infiltrée au plus haut niveau. Mais aujourd’hui, tout cela était fini. Ils avaient gagné, et il ne se cachait plus. Mais ses talents étaient constamment mis à l’épreuve par son métier, son rôle au ministère. Peut-être un jour formerait-il un apprenti, à qui il révèlerait les clés de son talent, bien que cela soit quasiment inné. Et alors, l’élève dépasserait le maître, mais avant que cela arrive, il avait le temps. Il avait toute la vie devant lui, et il n’avait pas l’attention de ramollir. Après tout, il n’avait que 27 ans !

Enfin, ils arrivèrent dans la salle à manger. Il esquissa un sourire ravi en remarquant les sucettes, bonbons qu’il affectionnait particulièrement. Peut-être était-ce parce qu’il n’en avait jamais mangé lors de son enfance ? Encore un point qu’il aimait chez son amie. La question de Europe le sortit complètement de ses pensées, bien qu’il ait suivi ce qu’il disait. Avait-il l’air malade ? Cela était sûrement du à son interrogatoire [Le RP test de ma fiche^^] un peu corsé, ou il avait été forcé d’utiliser et le fait qu’il soit animagus, et la légilimencie. De nombreux dossiers l’avaient aussi empêché de prendre un repos mérité. Aussi avait-il sûrement les traits un peu tirés. Enfin, il se remettrait évidemment. Mais le fait d’avoir découvert un petit complot l’inquiétait et lui faisait penser qu’il devait y en avoir d’autres. Enfin, c’était pour cela qu’il occupait ce poste après tout.

Il allait répondre lorsqu’il remarqua qu’elle se mouillait les mains. Il eut un sourire et ses yeux pétillèrent de malice, faisant ressortir leur couleur violette qui prédominait à ses instants de joie et de bonne humeur sur le bleu nuit. Son sourire s’élargit encore lorsqu’il vit son air émerveillé devant le vol de papillons mauves. Un spectacle calme et merveilleux à la fois. Il fut tiré de sa contemplation lorsqu’elle sauta au cou. Heureusement pour son orgueil il avait subi un entraînement physique régulier, qui lui avait procuré ses muscles assez félins, mais aussi des réflexes à toute épreuve. Aussi fut-il déséquilibré, mais il pu se redresser facilement en riant.

« Mais de rien ! Ca me fait plaisir. »

Il souriait largement à présent, heureux que cela lui plaise. Oh il n’en avait pas vraiment douté, la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle apprécierait. Mais il ne pensait pas que cela la ravirait à ce point. Il la redéposa doucement au sol, puis se rappelant sa question de tout à l’heure, reprit la parole

« Et rassure-toi, je vais bien. J’ai simplement eu un interrogatoire un peu rude pour mes vieux os »

Les derniers mots furent prononcés avec une note d’humour. Il ne se considérait pas comme vieux, n’ayant même pas 30 ans !

[HJ:Très joli ton nouveau kit !]

Europe se laissa redéposer au sol comme une enfant. Elle manquait un peu au code de correction que se devait d’avoir une Ministre de la Magie mais après tout, elle était chez elle, avec un ami de longue date qui ne lui manquerait pas de respect lorsqu’ils se verraient dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Des le lendemain, ils seraient redevenus deux collègues de travail, et aucune remarque ne serait faite sur leur entrevue. Europe espérait cependant qu’Erwan montre autant de zèle lors de la réunion exceptionnelle visant à la rédaction de la nouvelle Constitution qu’il en avait mis dans la confection de ce bouquet magique, d’ailleurs elle n’espérait pas, elle en était certaine.
Mais il n’y avait pas que là qu’elle espérait qu’Erwan montre un peu plus de zèle :

« Erwan, épouse moi! Partons tous les deux, libérons nous des chaînes qui nous entravent, allons parcourir le monde, menons une vie de bohême, abreuvons nous d’amour, et laissons céder nos âmes sous le joug de la passion… Aimons nous jusqu‘à en être malade, unissons nos deux corps dans un dernier soupir, viens, emmène moi, suis-moi, quittons ce monde, une nouvelle vie nous attends, ailleurs!»

Europe rit, elle aimait jouer la comédie presque autant qu’utiliser l’AVADA KEDAVRA, il y avait des plaisirs simples qui lui procuraient encore beaucoup de joie, celui-là en faisant parti, bien que l’effet n’en était plus aussi fulgurant, Erwan avait du s’habituer avec le temps à ses extravagances. Tant pis, elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle rajouta en chantant :

« S’il en faut deux pour être heureux, il en faut peu pour être deux… »

En regardant s’éloigner le dernier papillon qui restait du bouquet d’artichauts, elle s’assit sur une chaise, et sans même prêter un soupçon d’attention aux autres mets, elle saisit une sucettes sur laquelle elle donna un grand coup de la langue, la confiserie étant bien trop grand pour être sucée. Son regard pétillait mais elle n’en avait pas fini avec Erwan :

« Et voilà, c’était la minute romantique d’Europe O’Brien, merci d’avoir assisté au spectacle, n’oubliez pas le guide! Excuse-moi, tu disais donc que tu avais eu un interrogatoire difficile, il me semble en avoir attendu parler. J’espère que tu ne m’en veux pas, j’ai un peu de mal à digérer la foule d’informations que j’absorbe chaque jour au Ministère. En tout cas j’espère que tu vas réellement mieux, tu devrais prendre quelques jours de vacances et en profiter pour dormir un peu, tes cernes sont si importantes que l’on dirait un mort-vivant, enfin la comparaison, se limite aux cernes évidemment, elles n’enlèvent rien à ton charme! J’avoue que ces traits tirés te donnent un air encore plus attirant, on aurait presque envie de te faire un câlin pour te réconforter Mais ça c’est déjà fait! Quoi que si tu en veux un autre, pas de problème les câlins ça coûte rien! »

Europe se mit à servir le thé avec application, elle avait la réputation d’être assez maladroite, et il fallait avouer que cette réputation était plus que fondée. Elle était une vraie miss catastrophe quoi qu’à son niveau, personne n’avait le cran de le lui faire remarquer. Elle était aussi caractérielle et puis, un malheur est si vite arrivé…Elle repensa aux deux gardiens du matin, et un sourire se dessina sur ses lèvres, pas ce sourire candide qui lui était propre, son « autre » sourire, celui de la mangemorte un sourire un brin sanguinaire, juste ce qu’il faut de glacial, le dernier souvenirs que les deux hommes ont emporté dans leurs tombes. En portant sa tasse de thé à ses lèvres, elle retrouva son expression habituelle. Après tout, ils ne valaient même pas la peine qu’elle les grave dans sa mémoire. D’un geste rapide, elle porta sa baguette magique à sa tête d’où sortit un fin filament argenté qu’elle déposa négligemment dans le rince-doigt. Inutile de s’encombrer l’esprit avec de pareilles, hum, futilités. Elle se tourna à nouveau vers le jeune Ministre :

« J’avais oublié comment tu étais âgé, presque autant que moi! Je suis toujours ton aînée, et j’avoue que cette idée n’est pas déplaisante, tu me dois un profond respect et toute la déférence que l’on doit au troisième age. Allez, prosterne-toi! Oh j’oubliais que tes articulations ne doivent plus avoir la souplesse d’antan, allez, je te dispense de ces égards. Tu devrais boire ton thé il va refroidir. »

[HJ : Merci, mais je vais pas tarder à le changer, il fait un peu trop gentille!^^]